VERNISSAGE le VENDREDI 26 AVRIL 2024 de 17H à 22H
En dépit de sa présence dans d’éminentes institutions (Centre Georges-Pompidou, MoMA, Tate Gallery, Musée d’art moderne de la ville de Paris) et d’abondantes rétrospectives qui lui ont été consacrées dans les années soixante et soixante-dix, l’œuvre d’André Masson ne semble pas encore trouver sa juste place dans l’esprit du grand public. Peut-être est-ce en partie dû à l’indéfectible insoumission de l’artiste à l’égard de tout orthodoxie théorique, à son absence de tout souci proprement esthétique ou à ses nombreuses collaborations avec des écrivains exigeants (Bataille, Leiris, Sartre…) ?
Cependant confiner Masson dans le sérail des peintres pour peintres ou pour érudits semble pour le moins réducteur. Car sous l’apparente âpreté thématique de certaines œuvres (Personnage au crocodile), sous le manifeste chahut des formes (Venus, Naïades) qui tend parfois vers l’abstraction (Nu rouge), le peintre use toujours de son art à des fins figuratives (Hespéride). En cela il se distingue par exemple de Jackson Pollock – dont il fut un temps l’inspirateur – qui n’avait pas pour intention la mise en évidence d’un motif, mais la perpétuation de la trace de son ardeur démiurgique.
La complexité apparente du rendu des figures et l’impétuosité du trait chez Masson trouve son origine dans une pratique chère aux surréalistes – l’automatisme – qu’André Breton définit ainsi : « […] on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de tout autre manière, le fonctionnement réel de la pensée […] en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale ». Partiellement en accord avec cette posture créatrice, le peintre s’appliquera à mettre au jour des formes issues de son inconscient, de son univers « pulsionnel », dans un « esprit dansant et dionysiaque ». La figure se révélant progressivement à travers les détours du trait, de ses arabesques. Un processus créatif qu’évoque brillamment la cinéaste Nelly Kaplan, dans son film André Masson, à la source, la femme aimé (aux Éditions Frémeaux & Associés), en posant un regard complice sur les dessins du maître dont l’expressivité n’exclue pas l’humour.
Mais si la plupart des oeuvres que nous donnons à voir aujourd’hui (simultanément à la grande rétrospective chrono-thématique du centre Pompidou-Metz) affichent cette verve surréaliste, exigeant du regardeur une attention prolongée pour en élucider le contenu, d’autres illustrent un aspect moins abordé du travail du maître. La femme devant la porte, de facture plus conventionnelle, témoigne du goût du peintre pour l’art des grands maîtres qui l’ont précédé (Monet, Cézanne, Matisse...), pour la peinture de paysage (Cascade bleue) ou naturaliste (La mante), ainsi que pour les scènes urbaines (les vues vénitiennes). Masson se pose donc à la fois en peintre de l’intériorité et de l’ouverture au monde.
Christophe Lointier & Patrick Frémeaux