Miro adhère au Surréalisme en 1924, au moment de la parution du Manifeste. Mais à l’encontre de la plupart de ses complices, il n’a pas la moindre volonté iconoclaste de faire éclater, de manière subversive, l’ordre figuratif de la peinture « bourgeoise ». Seule une « métamorphose » des formes le sollicite. Il opère alors spontanément une synthèse entre l’art populaire et les images de l’enfance, qu’il mâtine d’humour ou de grotesque.
Il en va précisément du goût pour la conversion des formes chez Miro, dans l’exposition proposée aujourd’hui au public par la Galerie Frémeaux & Associés.
Les trente-cinq planches présentées sont autant d’illustrations de l’art du fantastique chez le peintre catalan. Un surgissement féérique qui s’exprime de diverses manières. La première consiste en une habileté à démesurément diminuer ou amplifier les éléments de la réalité (grosse tête, petit corps, cf. « Le bélier fleuri ») évoquant les grylles et les têtes à jambes d’un Bosch. La seconde passe par une jubilation chromatique usant des contrastes et de la dispersion des couleurs (cf. « Passage de l’Egyptienne »). Une troisième se joue à travers un style plus « détailliste » (Jacques Dupin) éparpillant des signes allusifs sur la surface de l’oeuvre (cf. série des « Maravillas »). Des signes calligraphiques et ornementaux qui vont même jusqu’à se réduire à l’état de fil (cf. « Le Flux de l’aimant »). Une abréviation des formes qu’Alexandre Calder traduira dans l’espace. Ajoutons que le contact avec la culture japonaise et l’attention prêtée au zen, ont poussé Miro à rechercher un dépouillement de sa facture, à éliminer tout élément narratif, toute représentation perspective et à abolir le modelé pour laisser place à un pullulement de motifs biomorphiques et jubilatoires.
Mais laissons-là l’énumération des procédés formels propres au peintre espagnol, et accordons à chacun le plaisir de (re)découvrir la gaité fantasmagorique de ses visions.
Christophe Lointier & Patrick Frémeaux